Rousseau critique de Hobbes 2/2 : Premier et second état de nature

Modifié par Estelledurand

L'état de nature est une idée nécessaire pour fonder sur un droit naturel, indépendant de toute institution sociale, l'égalité et la liberté des individus. C'est bien aussi ce que visait Hobbes par son état de nature, mais avec le tort de rattacher ce fondement à une origine temporelle. Il faut donc bien selon Rousseau distinguer origine et fondement.

Surtout, Hobbes a eu le tort de concevoir un contrat social à partir d'un faux ou second état de nature : une situation devenue violente en raison de la montée des inégalités sociales, où les riches protègent leurs biens de la convoitise des pauvres en passant avec eux, selon Rousseau, un "contrat de dupes", car il sécurise surtout les personnes et les biens des riches.


Extrait :

N’allons pas surtout conclure avec Hobbes que pour n’avoir aucune idée de la bonté, l’homme soit naturellement méchant, qu’il soit vicieux parce qu’il ne connaît pas la vertu, qu’il refuse toujours à ses semblables des services qu’il ne croit pas leur devoir, ni qu’en vertu du droit qu’il s’attribue avec raison aux choses dont il a besoin, il s’imagine follement être le seul propriétaire de tout l’univers. Hobbes a très bien vu le défaut de toutes les définitions modernes du droit naturel : mais les conséquences qu’il tire de la sienne montrent qu’il la prend dans un sens qui n’est pas moins faux. En raisonnant sur les principes qu’il établit, cet auteur devait dire que l’état de nature étant celui où le soin de notre conservation est le moins préjudiciable à celle d’autrui, cet état était par conséquent le plus propre à la paix, et le plus convenable au genre humain. Il dit précisément le contraire, pour avoir fait entrer mal à propos dans le soin de la conservation de l’homme sauvage le besoin de satisfaire une multitude de passions qui sont l’ouvrage de la société, et qui ont rendu les lois nécessaires.

Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, édition originale de 1762, p. 256.


Questions :

Selon l'argumentation de Rousseau :

1. Quels sont les défauts que Hobbes a su voir dans les définitions modernes du droit naturel ?

a) Relevez les éléments de cette critique dans les quatre premières lignes du texte. 

b) Expliquez en quoi ces critiques ont le tort de présupposer pour fonder le droit un être humain qui n'aurait pas besoin du droit.

2. Quel est le tort de Hobbes quand il prend le contrepied de ces définitions modernes du droit naturel, qui se montrent trop optimistes sur la nature humaine ?

a) Le droit naturel se fonde sur la supposition d'un état de nature de l'humanité, où le soin de sa conservation, comme pour tout être naturel, est son souci prédominant : quelle est la conclusion qu'en tire Hobbes sur cet état de nature où domine la nécessité de la subsistance individuelle ?

b) Pourquoi, selon Rousseau, la conclusion de Hobbes n'a rien de nécessaire, est même erronée, en ne prenant pas en compte les véritables caractéristiques d'un état de nature où chaque individu peut très bien subsister en ne se préoccupant que de lui-même ?

c) Quelle est l'erreur de Hobbes, selon Rousseau, dans sa conception de l'état de nature, qui doit par définition s'opposer à un état de société régi par des lois ?


Sujet de réflexion : 

Si un état de nature sans lois ni État est le plus convenable au genre humain, celui-ci peut-il rechercher l'idéal politique de l'anarchisme, celui d'une société autogérée et sans lois d'un État ?

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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